Article reproduit par Nanou avec l'aimable autorisation du journal Le Quotidien |
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AIDES AUX ENTREPRISES : UN MILLION
ATTRIBUE SUR LES 60 MILLIONS PREVUS Le chikungunya fait un bide
Un peu plus d’un million d’euros attribué à ce jour sur une ligne de 60 millions : les aides de l’Etat aux entreprises fragilisées par le chikungunya sont un bide retentissant. Deux explication possibles : la situation des acteurs économiques de l’île n’est pas si catastrophique que ça et (ou) les critères d’accès au financement public sont trop contraignants.
« Le gouvernement est prêt aujourd’hui à mobiliser une enveloppe de 60 millions d’euros à titre provisionnel pour aider les acteurs économiques, et notamment les petites entreprises, à faire face aux pertes d’exploitation qui sont en relation directe avec l’épidémie ». L’aide provisionnelle annoncée par le Premier ministre, Dominique de Villepin, lors de sa venue à la Réunion le 26 février dernier, pourrait bien devenir définitive. Pour une raison simple : sur les 60 millions dégagés en faveur des entreprises locales, seul un million a été consommé à ce jour. On est donc loin du compte, même si le rythme s’est considérablement accéléré la semaine dernière avec un quasi doublement des aides accordées du fait du passage en commission de « gros » dossiers. A ce jour, sur les 481 dossiers reçus, 395 ont été examinés et 319 ont reçu un avis favorable, soit 81% du total. 871 000 euros ont été débloqués au titre du fonds de secours (dont 401 000 euros pour le tourisme et 470 000 pour les autres secteurs dont la restauration) et 140 000 euros au titre du Fisac. Une nouvelle commission est prévue aujourd’hui. Un million d’euros cela reste peu néanmoins. Et dire que de nombreuses voix s’étaient élevées dans le monde patronal pour protester contre la première mouture des aides présentée par le préfet début mars. Le gouvernement, qui avait fait un geste important en remontant les plafonds d’indemnisation et en laissant le préfet gérer le dispositif entièrement depuis la Réunion, doit se dire aujourd’hui que la situation de l’époque ne méritait pas un tel tintamarre. Ce scénario ressemble étrangement à un autre : dans le cadre de la loi d’orientation pour l’outre-mer de 2000, un article prévoyait la mise en place de plan d’apurement des dettes sociales et fiscales. Très peu d’entreprises en avaient alors profité. Beaucoup le regrettent aujourd’hui. Deux phénomènes peuvent expliquer que les aides de l’Etat aux entreprises victimes du chikungunya soient si faibles.
Première hypothèse : à l’exception du
secteur touristique (hôtellerie-restauration, activités de loisirs,
location de voitures...), la situation des entreprises réunionnaises ne
serait pas aussi catastrophique qu’annoncé à un moment donné : l’étude
réalisée fin mars par l’Institut d’émission des départements d’outre-mer
montre par exemple que le BTP a bien résisté à la crise. Même chose, à un
degré moindre, pour l’industrie agroalimentaire. Le salon de la maison révélateur A en juger par les premiers éléments de l’enquête trimestrielle de conjoncture d’Ipsos, le commerce se serait également plutôt bien porté lors des trois premiers mois de l’année avec des résultats guère inférieurs (voire meilleurs) à ceux de 2005. « La population n’est pas si déprimée qu’on le dit », confiait dans notre édition d’hier Philippe Fabing, consultant auprès de l’institut de sondage. La forte fréquentation du salon de la maison (facilement mesurable au nombre de voitures stationnées tout autour du Parc des Expositions de Saint-Denis) atteste également de l’envie de sortir des Réunionnais. Les entreprises locales devraient logiquement en profiter. Deuxième explication possible au faible montant des aides chikungunya validées par l’Etat : des critères d’accès au Fisac et au fonds de secours « trop contraignants ». C’est l’explication privilégiée par Giraud Payet, président de la chambre des métiers, qui a saisi le préfet à ce sujet. Avec selon lui des résultats à la clé puisque le représentant de l’Etat aurait accepté d’assouplir le dispositif, ce que la préfecture n’a toutefois pas encore confirmé officiellement à ce jour.
Selon le secrétaire général aux affaires
régionales, Jean Ballandras, un frein important va néanmoins sauter (au
cas par cas) : l’obligation pour les entreprises d’être à jour de leurs
cotisations sociales et fiscales pour espérer bénéficier des aides de
l’Etat. Les artisans déposent plus de dossiers Quand on sait que 80% des artisans et 65% des commerçants ne sont pas en règle avec leurs caisses de retraite respectives, on imagine facilement que la disparition d’un tel critère devrait les inciter à déposer des dossiers. Depuis l’annonce de cette éventualité, la chambre des métiers a d’ailleurs vu le nombre de demandes d’indemnisation déposées par les artisans exploser : il y en avait 209 en fin de semaine dernière (dont 63 dans l’Est et 60 dans le Nord). A titre de comparaison, 869 artisans se sont rapprochés de la chambre de métiers, ce qui montre bien que nombre d’entre eux n’ont pas effectué le grand saut. Giraud Payet ne croit pas en revanche que le chikungunya ait laissé l’économie locale (hors tourisme) intacte : « Lorsque vous avez 240 000 malades, leur souci premier est de guérir, pas de consommer. Cela a forcément des conséquences sur l’économie ». Si l’assouplissement des critères d’accès au Fisac pourrait avoir son importance en terme de montants décaissés par l’Etat, c’est bien évidemment dans le secteur touristique que les aides à venir s’annoncent potentiellement les plus importantes. D’autant qu’il faudra du temps pour faire revenir les passagers qui ont fui la destination Réunion ces derniers mois. « Le secteur touristique aura certainement besoin d’aides lors des trois trimestres à venir et peut-être que nous arriverons alors aux 60 millions d’euros accordés par l’Etat », se projette le président de la CCIR, Eric Magamootoo. Dans le cas contraire, ce dernier propose d’ores et déjà que « ce fonds disponible soit utilisé lors d’actions collectives afin de relancer l’activité dans le secteur qui a le plus souffert, à savoir le tourisme ».
Cette idée devrait très prochainement être
soumise au préfet. Elle pourrait constituer un complément non négligeable
aux 250 000 euros déjà accordés par l’Etat à la campagne de communication
qui sera lancée en métropole dans les mois qui viennent. Cédric BOULLAND |