Article reproduit par Nanou avec l'aimable autorisation du journal Le Quotidien
 

 
Le Quotidien de la Réunion du Mercredi 03 mai 2006
 

L’hiver pour stopper l’épidémie

Cela fait maintenant plus d’un an que le Chikungunya a fait son apparition à la Réunion. Aujourd’hui, l’épidémie stagne de façon inquiétante à 3 000 nouveaux cas par semaine. L’arrivée de l’hiver austral est nécessairement une mise à l’épreuve pour les autorités sanitaires qui doivent éviter une flambée de l’épidémie l’été prochain.

Ca y est depuis hier : «une masse d’air fraîche» a gagné la Réunion. L’hiver austral marque progressivement sa venue. « Nous sommes encore en phase de transition mais dès jeudi nous aurons un temps d’hiver austral avec des moyennes de 15 à 18° le soir et 25 à 28° la journée », affirme Marc Lévy, prévisionniste chez Météo France. 

Pour les autorités sanitaires engagées dans la lutte contre le chikungunya, c’est le début du compte à rebours. En effet, il ne reste plus que cinq mois, soit l’équivalent d’au moins 150 jours avant le retour de la saison chaude propice à l’augmentation des populations de moustiques vecteurs de la maladie. 

Cinq mois pendant lesquels il va falloir redoubler d’efforts pour lutter efficacement contre cette épidémie qui stagne aujourd’hui à 3 000 nouveaux par semaine. Or, d’après le préfet Laurent Cayrel, «tous les ingrédients sont réunis pour une reprise de l’épidémie au retour de l’été austral ». Une affirmation/estimation qu’il fait par expérience. 

En effet, l’année dernière, à la même période, la Drass enregistrait en moyenne une cinquantaine de cas par semaine pour un total de 500 malades du chikungunya. A l’époque, les autorités sanitaires comptaient aussi sur l’hiver austral pour stopper la transmission du virus. Sans résultat. L’épidémie s’est installée en octobre 2005 avec 4000 cas recensés. 

Bien sûr, « l’hiver va réduire l’activité de l’aedes albopictus », comme l’indique la Cire, mais cela ne suffira pas. En réalité, seule une «mobilisation communautaire»  pourra stopper l’épidémie, selon le préfet. 

Le problème est qu’on est encore loin d’ «une prise de conscience collective» indiquent les associations engagées dans la lutte contre chikungunya. Et pour cause : « lorsque nous allons sur le terrain nous nous rendons compte que les gens ne sont pas suffisamment informés. Certains ne savent pas lire et certains ne parlent pas bien le français », indique Joël Innocente de l’association «Oté marmailles». Pourtant, il est important de signaler que les campagnes de sensibilisation de la Drass étaient également faites en créole.
 

Définir un plan d’harmonisation de la lutte
à l’échelle de l’île

Par ailleurs, l’association attire l’attention des autorités sur d’autres points sensibles. «On est loin d’avoir résolu le problème des décharges sauvages. Il n’est pas rare non plus d’apercevoir devant chez soi des carcasses de voitures», affirme Joël Innocente. Interrogé sur l’avancée des mesures prises contre les décharges sauvages et l’abandon des carcasses de voitures dans différents coins de l’île, le préfet a annoncé qu’il ferait le point jeudi. Pour les associations, il faut aussi impérativement coordonner les actions de prévention et de démoustication. 

«On est J -150 du redémarrage de l’épidémie.  Il faut tout faire pour que l’épidémie ne reparte pas après l’hiver austral comme cela s’est produit l’année dernière. Il faut pour cela impérativement définir auprès des décideurs un plan d’harmonisation de la lutte à l’échelle de l’île», prévient Yann Lebihan, de l’association «Citoyens contre le Chik».

C’est pourquoi la plupart des associations engagées dans la lutte contre chikungunya ont décidé de se regrouper autour d’un «projet fédérateur» proposé par un groupement de lutte anti-vectorielle, une association créée sous l’égide du Conseil Général. L’idée est de maintenir plusieurs équipes sur le terrain et proposer par exemple la nomination d’un chef d’équipe par quartier. Le projet devrait être présenté prochainement dans les détails par la présidente du conseil général.

De son côté, le préfet a annoncé la mise en place d’un nouveau protocole de démoustication à grande échelle à la mi juin. Il a également proposé de maintenir en poste une partie des emplois verts engagés dans la lutte contre chiukungunya. L’objectif étant que le contrat des CAE embauchés par des associations co-financées par le Conseil Régional soit transformé en contrat d’avenir. Aucune décision officielle n’a encore été prise dans ce sens. Le préfet doit réunir prochainement la Région et les communes concernées pour examiner le projet.

Delphine POUDROUX