Article reproduit par Nanou avec l'aimable autorisation du journal Le Quotidien
 

 
Le Quotidien de la Réunion du Vendredi 05 mai 2006
 

 
L’EPIDEMIE DE CHIKUNGUNYA INQUIETE


Stabilisation à 3 000 cas hebdomadaire

 

L’épidémie de chikungunya s’installe de plus en plus dans la population, à un niveau inquiétant de 3 00 contaminations nouvelles par semaine. Le préfet en appelle au civisme pour renforcer la lutte antivectorielle.


Le préfet Cayrel ne se veut pas alarmiste. Pas encore. Mais les derniers chiffres que lui a communiqués la CIRE (cellule inter-régionale d’épidémiologie Réunion-Mayotte) ne sont pas bons. 3 000 nouveaux cas d’infection par le chikungunya ont été recensés dans la semaine du 24 au 30 avril. Avec les corrections d’usage, cela porte à 255 000 le nombre de personnes contaminées depuis le début de l’épidémie en mars 2005. 

« Cette stabilisation de l’épidémie engendre une situation préoccupante, commente le préfet Laurent Cayrel qui, inévitablement, établit une comparaison avec l’année dernière. A cette époque nous étions à 500 cas par semaine et tout le monde connaît le pic des 46 000 infections en une seule semaine de février. Il ne faut pas compter sur l’hiver austral pour espérer une disparition du moustique vecteur du virus. On imagine donc qu’elle peut être l’ampleur de l’épidémie au retour de l’été austral. Les scientifiques soutiennent qu’en l’absence de maîtrise de l’épidémie, c’est 80% de la population qui sera contaminée. D’autant que l’enquête de séro-prévalence a démontré qu’il n’y avait pas de cas asymptomatique de la maladie ». 

Pour le Préfet, il n’y a pas de solution miracle. « Seule la lutte contre le moustique dans la période la plus favorable des prochaines semaines, des prochains mois sera déterminante. Il faut profiter des conditions météo : moins de pluies, plus de froid, le moustique porteur du virus devrait disparaître au-delà des 1 000 m d’altitude ». 

Les emplois verts dans les ravines

Pour cela, le préfet souhaite finir l’application stricte du protocole de lutte anti-vectorielle. « Fin mai, début juin, 200 000 foyers et maisons auront été traités par la lutte chimique. Ainsi que 800 sites de déchets qui constituent autant de gîtes larvaires. En juin également les emplois-verts du conseil régional continueront de se consacrer à la démoustication des ravines ». 

Mi-juin, devrait démarrer la phase 2 du protocole, avec 700 personnes mobilisées ». « Quasiment exclusivement des civils, sous l’égide de la Drass, des collectivités et des communes », précise le préfet. « Ces démoustiqueurs se consacreront aux foyers émergents signalés par l‘Invs (institut de veille sanitaire). Nous avons découvert que là où il y a la plus forte concentration de moustiques, les moyens de démoustication sont plus efficaces que là où leur concentration est moyenne. Par contre, dans un quartier de Saint-Louis, la concentration s’est révélée plus importante après démoustication qu’avant. Et nous n’avons pas d’explication ». 

Campagne de sensibilisation

Le préfet a également annoncé un partenariat avec la Région pour le lancement d’une nouvelle campagne de sensibilisation via les Médias. « L’action collective ne sera efficace que si elle s’accompagne d’une démoustication individuelle, chimique ou mécanique. Le geste de vider une coupelle de pot de fleurs reste important ». 

La prolifération des déchetteries sauvages inquiète également les autorités de l’Etat. « Je constate une démobilisation, note Laurent Cayrel, et je vais sensibiliser les responsables de l’intercommunalité. L’élimination des déchets est une obligation des communes. Elles doivent donc tout mettre en oeuvre, même s’il leur faut réajuster les budgets postérieurement. Les taxes sur les ordures ménagères augmenteront ». 

Il est évident que dans la mesure où rien ne laisse augurer une régression de l’épidémie de chikungunya, le préfet et les autorités sanitaires vont décupler la sensibilisation de la population pour éviter une catastrophe sanitaire désormais prévisible, de plus grande ampleur que celle subie en janvier et février dernier.

 

                                                                  Jean-Noël FORTIER 
 

Gros plan

Rapprochement avec les Américains

 La lutte contre le chikungunya, aussi bien préventive que curative, c’est aussi l’affaire des médecins et des chercheurs. Le préfet Cayrel a annoncé hier que les autorités sanitaires françaises se rapprochaient de leur homologues américaines pour disposer de leurs études sur un vaccin. On sait que les laboratoires militaires US avaient longuement étudié le chikungunya qui affecta les troupes américaines engagées dans la guerre du Vietnam. Les études s’étaient poursuivies après le conflit, puis avaient été abandonnées avec la première guerre du Golfe. Les chercheurs américains avaient alors braqué leurs microscopes sur une autre infection qui sévissait alors dans les sables irakiens.