Article reproduit par Nanou avec l'aimable autorisation du journal Le Quotidien | ||
Le Quotidien de la Réunion du Samedi 27 mai 2006 |
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LES MILITAIRES SOULAGES DE PASSER LE RELAIS |
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Une campagne au goût amer
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Manque de reconnaissance de la part des collectivités, accueil pas toujours chaleureux dans les maisons : la campagne de démoustication ne laissera pas aux militaires des souvenirs impérissables. Ce n’est pas sans amertume que les Fazsoi passent aujourd’hui le flambeau. Le Préfet lui‑même confiait ce malaise samedi dernier à un membre de la délégation du Premier ministre. |
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Même si ce n’est pas le genre de la maison d’étaler ses sentiments, on sent une certaine amertume au passage du flambeau. Depuis novembre dernier et plus encore à partir de janvier, les militaires ont battu les routes de l’île dans leurs combinaisons blanches. Au total, ce sont 500 militaires des Faszoi renforcés par 500 autres de métropole qui sont venus démoustiquer 400.000 maisons. Sous la chaleur de l’été austral à laquelle certains n’étaient pas habitués, des litres et des litres de sueur ont été laissées sur le bitume. Une sueur au goût amer pour quelques‑uns. «On ne s’attendait pas vraiment à ça explique cette jeune recrue du RSMA. On ne peut pas dire qu’on a été accueillis les bras ouverts dans les maisons. Je pense que les gens n’ont pas compris qu’on était là pour les aider. On a plus eu des «ce n’est pas trop tôt» que des «merci».
Une façon de réagir qui s’explique sans
doute par la réaction tardive de l’Etat face à l’épidémie, ce à quoi les
militaires sont étrangers. Il y eut aussi ces incidents qui ont émaillé la
campagne et qui n’ont pas contribué à redorer leur blason : démoustication
à proximité d’une veillée mortuaire à l’Etang Salé, chiens flytoxés,
interférences avec les services des mairies, manque d’information sur les
heures de passage. «Gros sur le coeur» Pour autant, les militaires ont continué à faire leur job sans se plaindre. Il est vrai que la grande muette n’est pas très bavarde. Le Préfet davantage. Pendant la visite de Dominique de Villepin, il se laissa aller à quelques confidences dans les allées du conservatoire botanique de Mascarin. Le préfet confia à un membre de l’entourage du Premier Ministre que le ministère de la Défense n’attendait qu’une chose : «Récupérer ses troupes et les affecter à d’autres tâches». Notamment pour reprendre les missions d’entraînement qui ont été arrêtées et qui ont provoqué de fait une perte des capacités opérationnelles. Mais surtout, le préfet expliquait à son interlocuteur que les militaires en avaient «gros sur le coeur». L’accueil n’avait pas été des plus chaleureux. Que c’en était même une surprise dans une île où les gens sont plutôt accueillants.
«Il est vrai, poursuivait le serviteur de
l’Etat, que la démoustication a débuté sur fond de polémique». Une
polémique sur la dangerosité des produits insecticides utilisés qui n’a
pas facilité, on l’imagine, l’accueil des brigades de démoustication. On
se souvient que le conseil général et certains maires comme Alain Bénard
avaient même interrompu momentanément leurs traitements. Le même Alain
Bénard qui ne participera à aucune des réunions de crise hebdomadaires
organisées en sous‑préfecture. «Ca fait mal» A l’état-major des Fazsoi, on est beaucoup plus mesuré sur les aspects négatifs de cette campagne. «Des problèmes, c’est vrai, il y en a eu, mais sur la quantité, c’est assez marginal», explique‑t‑on. « Bien sûr, vous avez toujours ceux qui ne supportent pas qu’on passe un dimanche ou qui vous interdisent l’entrée parce qu’ils disent ne pas avoir été prévenus. Mais, honnêtement, sur 400.000 passages, seules 5.000 à 10.000 maisons ont posé des problèmes». L’officier chargé de communication de l’état‑major ajoute : «C’est vrai, quand vous avez un homme qui s’échine sur le terrain et qui essuie des critiques, sur le coup ça fait mal».
Toujours est-il que le job est maintenant
terminé. «C’est à la Réunion – collectivités comme particuliers – de
prendre aujourd’hui les rênes de la lutte contre le moustique». Et le
militaire d’ajouter : «Encore faut‑il avoir envie de monter sur le
cheval». Laurent BOUVIER |
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