Article reproduit par Nanou avec l'aimable autorisation du journal Le Quotidien

Le Quotidien de la Réunion du Jeudi 15 juin 2006

ETABLISSEMENT THERMAL DE CILAOS
 

Une carte à jouer contre le Chik
 

 

L’Etablissement thermal de Luchon (Haute Garonne) vient de diffuser le témoignage de patients vantant les bienfaits d’une cure contre les douleurs chroniques liées au chikungunya. A la Réunion, où les thermes de Cilaos ont eux aussi une orientation en rhumatologie, cette thérapeutique ne semble pas exploitée comme elle le devrait peut-être 

 

 

Les cures thermales n’ont-elles pas leur place dans la palette thérapeutique contre les douleurs chroniques liées au chikungunya ? Curieusement la question semble négligée jusqu’ici à la Réunion, où la rhumatologie est pourtant une spécialité de l’établissement thermal de Cilaos. Elle a en revanche intéressé les thermes de Luchon (Haute Garonne) 

Un communiqué publié ces derniers jours par l’établissement pyrénéen sur son site Internet diffuse le témoignage d’un couple de patients métropolitains, Marie­‑Claire et Albert Salsano. Tous deux souffraient du chikungunya, contracté à l’occasion d’un séjour à la Réunion. 

« Depuis leur arrivée, leur état de santé suite à la cure effectuée en rhumatologie apporte dans leur vie quotidienne une nette amélioration notamment grâce aux applications de boue et aux vapeurs dirigées. Ils souhaitent indiquer que leurs douleurs articulaires ont disparu », décrit le communiqué, signé des intéressés et du directeur général de l’établissement, Gilles Marzaioli. 

« On les a vus arriver mal en point ; on les a écoutés et on a adapté les soins à leur état, en utilisant notamment des boues thermales avec de l’eau soufrée à 74 degrés, et de la vapeur d’eau très ciblée », rapporte M. Marzaioli, joint par téléphone. 

Selon lui, même s’il n’y a pas de conclusion à tirer au‑delà de cette simple information, l’impact de la médecine thermale sur le chikungunya pourrait intéresser l’Association Française pour la Recherche Thermale (Afreth), dont le président, René Retting, n’est autre que le maire de Luchon. 

De son côté le docteur François Grousset, qui a suivi le couple pendant son séjour, se montre encore plus prudent. Ces cas sont les deux seuls patients souffrant du chikungunya qu’il ait eu à traiter à ce jour et les soins dispensés étaient « standards » pour les pathologies rhumatologiques, précise-t-il. 

N’empêche, l’expérience heureuse de M. et Mme Salsano avait d’autant plus de chances de trouver un écho à la Réunion que l’un et l’autre sont respectivement secrétaire et vice-président de l’Association Ile de la Réunion contre le chikungunya. 

Pour la présidente, Josette Brosse, prompte à vouloir exploiter les moindres pistes dans la lutte contre la maladie, il y a là incontestablement des enseignements à tirer. 

« On voudrait qu’il y ait un protocole de soins spécifique pour les douleurs articulaires et musculaires des chikungunyés », plaide-t-elle en indiquant avoir soulevé la question auprès du ministre de la Santé. 

Pas si simple. « C’est l’académie de médecine qui décide des orientations des cures thermales, et le dossier prend cinq ans », signale le docteur Claude Alcaraz, responsable des actions de santé au conseil général et médecin référent de l’établissement thermal de Cilaos, que gère la collectivité. 

Les protocoles de soins validés également par le ministère de la Santé et l’Assurance maladie, sont valables pour la rhumatologie en général, précise‑t‑il ; ils ne s’adressent pas au chikungunya en particulier. 

Le docteur Max Corré, l’un des médecins thermaux qui suit les patients pendant leur cure, se garde bien d’en garantir les effets ; mais d’une manière générale, lui qui indique avoir vu passer nombre de patients du chikungunyés depuis octobre dernier et qui vérifie quotidiennement les vertus des cures thermales, regrette de les voir insuffisamment prescrites. 

« Les médecins n’y pensent pas. C’est difficile de faire admettre que la médecine thermale marche bien dans les pathologies rhumatismales », dit‑il. 

Pourtant, « c’est une alternative à la prise médicamenteuse, souligne la directrice, Mireille Maillot. Et il n’y a pas que les vertus thérapeutiques de l’eau. Les patients changent d’environnement ; pendant trois semaines ils rompent avec leur quotidien, le stress, ils pensent à leur santé. La cure est bénéfique aussi pour le psychisme ». 

Le docteur Corré déplore toutefois de voir la palette de soins de l’établissement Cilaosien amputée de certaines prestations. « L’idéal est la rééducation sous eau ; mais il n’y a plus de piscine depuis six ans et il n’y a plus de kinésithérapeute non plus ». 

La piscine n’était plus conforme aux normes de l’Assurance Maladie. Sa réfection n’est pas encore programmée. Les travaux qui seront réalisés pendant la prochaine fermeture annuelle, du 29 août au 30 septembre, portent sur le réseau de distribution des eaux thermales. 

Quant au Kiné, « il n’y en a plus depuis mars. C’est difficile à recruter : ils viennent quelques mois, puis repartent », commente Mme Maillot. La loi stipule qu’ils doivent être salariés de l’établissement. Mais de toute évidence un statut de praticien libéral reste nettement plus attractif. Certains observateurs estiment d’ailleurs qu’un cadre privé conviendrait mieux à l’établissement thermal, chroniquement déficitaire. 

Quant à l’information ou la sensibilisation des médecins, elle semble insuffisante. « Il y en a eu mais il n’y a pas de suivi dans le temps, déplore le docteur Corré. 

En matière de communication, l’établissement privilégie son autre activité : la « remise en forme », qui n’a rien de médical et ne peut prétendre à aucune prise en charge. Ce qui ne l’empêche pas d’être prisée par les chikungunyés aussi, observe Mme Maillot.
 

Herve SCHULZ

 

 La rhumatologie, première indication 

Ouvert en décembre 1987, l’établissement thermal Irénée Accot de Cilaos est alimenté par deux sources, baptisées Véronique et Irénée. Leurs eaux sont décrites comme « carbogazeuses à dominance bicarbonatée sodique, magnésienne et calcique ; elles sont légèrement sulfatées, très ferrugineuses et très faiblement radioactives ». 

Cette composition leur vaut d’être recommandées dans la prévention et le traitement de deux types d’affections : d’une part les affections rhumatologiques (arthrose notamment) et séquelles de traumatismes ostéo‑articulaires ; d’autre part les maladies digestives et les maladies métaboliques. 

La rhumatologie est, de loin (90%), l’indication principale. Cilaos est l’une des soixante-dix stations françaises à posséder cette orientation. La source Véronique est réservée aux cures de boisson, la source Irénée Accot aux soins externes. 

Officiellement les prestations thermales à Cilaos comportent six types de soins : la cure de boissons, les bains, les douches, les massages sous eau, les cataplasmes de boue thermale et l’étuve générale. En pratique les massages sous eau ne peuvent plus être dispensés, faute de masseur‑kinésithérapeute. 

Outre une infirmière, les thermes de Cilaos emploient huit hydrothérapeutes ; ce sont eux qui assurent les soins. Chaque patient est suivi par un médecin thermal de son choix. 

En 2005, l’établissement a vu passer près de 500 curistes, la plupart âgés de plus de soixante ans. Le chiffre est proche de la moyenne annuelle, qui tourne autour de 450, dont 5% de métropole et de Mayotte. Mais les thermes de Cilaos pourraient accueillir deux fois plus de curistes.

 

Gros Plan

Prise en charge.
Une cure dure dix‑huit jours. La sécurité sociale peut en prendre en charge une par an. Pour cela, depuis quelques années, la procédure d’entente préalable  n’est plus nécessaire ; elle est remplacée par une simple procédure administrative. Mais pour donner lieu à un remboursement (à hauteur de 65% pour les frais d’hydrothérapie et de 70% pour les honoraires médicaux), la cure doit obligatoirement être prescrite par un médecin. Le prescripteur doit proposer la station la plus proche du domicile du malade. Il doit préciser l’orientation (ou parfois la double orientation) thérapeutique : rhumatologie ou maladies des voies digestives et métaboliques. Un forfait soins coûte entre 300 et 600 euros, indique Mme Maillot. Reste l’hébergement, qui n’est pris en charge partiellement (sous la forme d’un forfait) qu’en dessous d’un certain niveau de revenus. C’est la raison pour laquelle certains habitués qui se connaissent bien s’arrangent pour venir en cure à la même époque et, plutôt que d’aller à l’hôtel, préfèrent louer une maison pour limiter les frais.