Article reproduit par Nanou avec l'aimable autorisation du journal Le Quotidien | ||
Le Quotidien de la Réunion du Jeudi 13 juillet 2006 |
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ESTIMANT QUE LE
DISPOSITIF EN PLACE DEPASSE SES COMPETENCES |
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A Mafate, le Département veut repenser les soins |
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« Il y a un malaise ; le Département veut laisser tomber la médecine soignante à Mafate mais il ne sait pas comment éviter la responsabilité de cette décision. Petit à petit, il va dire qu’il ne trouve plus de médecins. J’ai l’impression qu’il veut nous faire porter le chapeau », analyse avec amertume la praticienne. Le dispositif mis en place depuis 1986 repose sur sept missions héliportées par mois : une dans chacun des principaux îlets. Elle se composent d’un médecin vacataire et d’une des deux infirmières installées dans le cirque par la collectivité (à Roche Plate et Cayenne), ainsi que d’un dentiste. A une époque, ils ont été sept médecins généralistes libéraux à participer à ces missions. Ils ne sont plus que deux aujourd’hui. « Quand le docteur Pascarel est partie, j’ai fait beaucoup de missions toute seule », témoigne l’infirmière de Roche-Plate, Azélie Bubner. Selon le docteur Pascarel, la situation a commencé à se détériorer il y a quelques années quand le docteur Henri Isautier, « Monsieur Mafate » au Département, est parti en retraite et que le service de PMI (protection maternelle et infantile) a pris le relais. « On a passé au moins deux ans avec une seule infirmière, ce qui veut dire que lorsqu’elle était en vacances ou en congés maladie, il n’y avait personne. Il fallait que je pleure pour avoir une infirmière de PMI », rapporte la généraliste. Et d’évoquer ses difficultés à se faire entendre de la hiérarchie, les problèmes récurrents d’état ou d’entretien des dispensaires, ou encore des défauts d’approvisionnement en médicaments. L’épidémie de chikungunya, lorsqu’elle a touché Mafate en début d’année, a été la goutte qui a fait déborder le vase. Le cirque, peuplé d’environ 700 habitants, manquait alors de médicaments mais la commande passée par l’infirmière se faisait désespérément attendre.
« Il fallu qu’une équipe de TF1 vienne en
reportage pour que les médicaments arrivent »...accompagnés de
responsables administratifs de la collectivité, s’indigne le docteur
Pascarel. Mettre fin à des dérives Qu’elles soient symptomatiques ou non d’un désintérêt, il est certain que depuis plusieurs années la collectivité n’est plus satisfaite de l’organisation des soins dans le cirque. En 2001, elle avait obtenu que l’Assurance maladie s’engage pour en partager les coûts. Outre les médicaments, la CGSS prend en charge une partie du coût des vacations de médecins, 70% du salaire des infirmières, 50% du transport en hélicoptère. Cet arrangement n’a cependant réglé en rien la question de fond. « Le soin n’est pas de la compétence du Département, signale le docteur Claude Alcaraz, responsable des actions de santé. A une époque on a fait le choix de Mafate. Maintenant nous souhaitons nous recentrer sur nos propres missions : la PMI, le social, les personnes âgées et handicapées ». Le poids financier croissant des missions, ces dernières années, n’est pas étranger à cette réflexion. Le nombre des consultations reste stable (environ 2.100 par an). Mais alors que le dispositif avait, au départ, permis de diminuer sensiblement le nombre d’hospitalisations, celui-ci (300 en 2004) accuse une sensible augmentation. Les consultations spécialisées sur le littoral ont elles aussi une forte hausse : elles sont passées de 240 an 1998 à 727 en 2004. Cette même année, les coûts de fonctionnement des missions sanitaires et médico‑sociales sont estimés à plus de 516.000 euros : presque quatre fois plus qu’en 1999. Principale cause : le coût de l’hélicoptère, non seulement pour les hospitalisations et consultations spécialisées dans les Bas, mais aussi pour transporter des habitants d’autres îlets lors des passages des missions. Des « dérives » auxquelles le Département veut mettre fin rapidement. « Désormais ce seront le médecin et l’infirmière qui se déplaceront, pas l’inverse », annonce le docteur Alcaraz. Lors d’une réunion sur le sujet, vendredi dernier, il a été également décidé d’arrêter les consultations dentaires. La collectivité est d’autant plus encline à réformer le système que, depuis vingt ans, l’état sanitaire de la population mafataise s’est nettement amélioré. « Aujourd’hui la consultation est la même qu’ailleurs dans l’île. Il n’y a plus de grosse épidémiologie spéciale à Mafate », indique le docteur Pascarel. Le Département compte réunir une nouvelle fois ses partenaires (CGSS, Drass, mais aussi les deux communes concernées) en septembre, afin de remettre à plat l’organisation sanitaire dans le cirque. Si la pérennité des missions PMI (deux par mois actuellement) et des missions sociales (ponctuellement) n’est pas remise en cause, plus incertain apparaît le sort des missions médicales. « Leur principe peut être maintenu, mais avec quels partenaires ? La continuité territoriale des soins n’est de la compétence de personne : ni de la Drass, ni de l’Agence régionale de l’hospitalisation », expose le docteur Alcaraz en indiquant que le maintien ou non d’une permanence infirmière dans le cirque sera lui aussi débattu. Les Mafatais n’auront-ils, dans quelques mois, plus d’autre choix que d’aller se faire se soigner hors du cirque (comme beaucoup le font déjà) ? La réponse est éminemment politique. Elle dépendra aussi, sans doute, de la mobilisation des intéressés. Or, force est de constater que, jusqu’à présent, ces derniers – qui n’ont rien à débourser pour leurs soins et dont beaucoup négligent de réactualiser leur carte vitale – semblent s’être plutôt bien accommodés des dysfonctionnements fréquents, et parfois longs, du dispositif.
Hervé SCHULZ |
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GROS PLAN
LA TELEMEDECINE AU POINT MORT |
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