Article reproduit par Nanou avec l'aimable autorisation du journal Le Quotidien

Le Quotidien de la Réunion du Jeudi 07 septembre 2006

ENTRETIEN AVEC ANTOINE PERRIN, DIRECTEUR DE L’ARH REUNION-MAYOTTE
 

«Le pôle sanitaire de l’Ouest a gagné deux ans»

 


Antoine Perrin quitte la direction de l’Agence régionale de l’hospitalisation de la Réunion-Mayotte pour prendre celle de l’ARH de Lorraine. A quelques jours de son départ, il répond à nos question sur les principaux dossiers qui l’ont occupé depuis sa prise de fonctions à la Réunion, en janvier 2004.

 

 

- Si aujourd’hui une épidémie de chikungunya survenait avec la même ampleur qu’en début d’année,
   serait-on mieux armé sur le plan hospitalier pour y faire face ?
 

- la réponse est oui et elle se trouve dans le plan exposé hier (mardi, en présence de François Baroin, NDLR). Pendant la crise, on a improvisé une mobilisation mais ça ne s’est pas si mal passé. Les médecins généralistes, les hôpitaux – publics comme privés – ont très bien réagi. Le plan prévoit une mobilisation graduée de la médecine libérale, afin d’éviter au maximum l’impact sur l’hôpital. Le plan, écrit avec les professionnels, le service de santé des armées, et en concertation avec les organisations syndicales, prévoit aussi une mobilisation graduée des hôpitaux dans les quatre arrondissements : d’abord ceux qui ont un service d’urgences, puis les autres, puis une mobilisation de la métropole. 

On a tout ce qu’il faut en matériel, en consommables, en médicaments. Il n’y a pas de craintes de rupture de stocks. S’agissant du personnel on sait où il faut recruter, à quel moment etc. S’il y a une montée de l’épidémie, on saura quelle étape supplémentaire franchir à chaque fois ; on a même prévu comment monter au-delà du sommet de crise de début d’année. J’ajoute que le plan qu’on a élaboré intéresse beaucoup la direction de l’hospitalisation, dans la perspective d’une épidémie de grippe aviaire en France. 

- Un grand dossier qui vous attendait à votre arrivée est celui du centre hospitalier régional.
  A-t-il avancé comme vous le souhaitiez ?
 

- Il arrive dans les temps, le calendrier est respecté. Le projet va être présenté en octobre aux instances par les deux établissements (FHD et GHSR), avec l’appui d’Edouard Couty. C’est une grande satisfaction pour moi d’avoir pu finir ce dossier. Il y a deux ans, les rapports Nord-Sud étaient encore très conflictuels. Depuis, la situation a beaucoup évolué. Il faut en rendre hommage aux hospitaliers. 

- Comment cela va-t-il se passer pour la santé ? Qu’en est-il du volet universitaire ? 

- Le montage se fera progressivement. D’abord la constitution juridique, ensuite les contenus, avec une montée en charge chaque année. Pour le moment on est dans la première pierre : le R de CHR : cela concerne plutôt les activités médicales, de recherche, d’enseignement, à partir de la configuration actuelle. On aura ensuite des maîtres de conférence des universités – praticiens hospitaliers (MCUPH), puis des professeurs des universités – praticiens hospitaliers (PUPH), avant d’avoir le U de CHU. 

- A quel horizon ? 

- Ce serait présomptueux d’en donner un. 

- Autre dossier d’importance, celui du pôle sanitaire Est (PSE). Où en est‑il ? 

- Quand je suis arrivé, le projet était bloqué, en train de mourir. Il a fallu lancer une opération de sauvetage. J’ai dû missionner plusieurs personnes pour relancer le projet médical, travailler sur les finances, le projet architectural, le projet informatique. Aujourd’hui le PSE est sorti de l’ornière ; il est sur les rails et le financement est bordé, même s’il a pris deux ans de retard. Je tiens à saluer le rôle très positif de Bertho Audifax dans ce dossier. En 2009 – au lieu de 2007 – le PSE verra le jour, avec la configuration prévue mais une externalisation des cuisines et un ancrage dans le Nord, dans le cadre du territoire de santé Nord-Est. 

- Quid du pôle sanitaire Ouest ? 

- Là aussi le sujet a été abordé dès mon arrivée. La restructuration sur le site du centre hospitalier Gabriel-Martin était non seulement impossible mais dangereuse pour l’avenir, vu l’évolution de la population et des besoins. Je suis content de partir avec un projet adoubé par le Premier ministre et le Ministre de la Santé. Le terrain a été trouvé, le cadre du projet a été défini : il est en cours de validation : le PSO aura les activités de Gabriel-Martin, la maternité de Jeanne d'Arc, la dialyse de l’Aurar, en complémentarité avec les activités au Port. Les premiers financements arrivent. Autant le PSE a perdu deux ans, autant le PSO en a gagné deux et j’en rends hommage à tous les professionnels de l’Ouest. C’est un projet à l’horizon 2010-2012, d’un coût de 140 millions d’euros, toutes dépenses confondues. 
 

Mise en place d’un serveur de veille sanitaire 

- La Réunion manque de personnel soignant, surtout infirmier. Comment y remédier ? 

- Sur ce dossier l’ARH travaille avec la Région, sur la base d’un diagnostic partagé avec les élus et les organisations représentatives du personnel. D’abord dans l’urgence : il faut favoriser les recrutements. Pour cela, tous les moyens sont bons, comme le salon infirmier à Paris, fin octobre : il faut faire connaître l’île et la qualité de son tissu sanitaire. A moyen terme, il faut favoriser la formation. Des financements ont été dégagés pour augmenter le nombre de personnes formées sur place et ouvrir dans les années à venir d’autres écoles. On sait où on va, mais il y aura une période critique pendant les deux trois ans à venir. Le chikungunya a rendu l’île un peu moins attirante, il y a un manque très important de professionnels. 

- Dans le nouveau schéma régional de l’organisation sanitaire, validé fin 2005, vous avez souligné l’importance que vous attachiez à la télémédecine. Où en est‑on dans ce domaine ? 

- La Réunion fait partie des quatre régions françaises expérimentatrices de la télémédecine en cancérologie. Le groupement d’intérêt économique Télémédecine a beaucoup avancé, non seulement sur ce sujet-là mais aussi sur le projet global d’informatisation des établissements de santé, avec un dossier médical personnel (DMP). Des briques se mettent en place, comme l’informatisation des services d’urgences et la mise en place d’un serveur de veille sanitaire : un dossier auquel on travaille depuis deux ans (avant le chikungunya). En décembre, les cinq services d’urgences (dont celui de Mayotte) seront informatisés et reliés en temps réel à un serveur de veille et d’alerte qui permettra de connaître en temps réel l’activité des urgences, les pathologies prises en charge, les lits disponibles. C’est un outil extraordinaire qui, en cas de crise ou d’épidémie, permet de suivre en temps réel ce qui se passe et d’anticiper les besoins. L’éloignement de l’île, son isolement et l’exposition aux maladies émergentes sont trois raisons qui m’ont amené à financer la télémédecine. Ce qui s’est passé m’a donné raison. 

- Mayotte vous a aussi beaucoup occupé. 

- Mayotte a vu l’intégration des dispensaires dans l’hôpital, l’intégration des personnels dans la fonction publique hospitalière, la fin du tri infirmier, la mise en place de la consignation des étrangers en situation irrégulière, la mise en place de l’assurance maladie, l’inauguration de deux hôpitaux de proximité, l’élaboration anticipée du schéma d’organisation sanitaire pour l’articuler à celui de la Réunion, la création du SMUR... Le budget de l’hôpital a été multiplié par quatre en trois ans ! Mayotte est rentré dans un dispositif où le développement de l’offre de soins ne peut être qu’articulé et intégré dans une réflexion sur la zone Océan Indien, ne peut être envisagé sans projet de coopération régionale : on ne peut pas penser le développement de Mayotte sans penser à celui des Comores. Un projet se met en place avec l’Agence française de développement pour 2007. Il y a un volet santé, qui sera articulé avec les hôpitaux de Mayotte et de la Réunion. 
 

                                                        Entretien : Hervé SCHULZ    


L’ARH Réunion-Mayotte : au 21e rang sur 26

 

L’ARH de la Réunion, la plus importante des Dom n’occupe que le vingt et unième rang sur 26 au plan national. L’une de ses principales particularités est le rattachement de Mayotte. Bien que celui-ci ne soit pas acté juridiquement, Antoine Perrin insiste pour le rappeler en parlant systématiquement de l’ARH Réunion-Mayotte. 

« Un élément fort de cette ARH est la qualité de son tissu sanitaire : on a vraiment des hospitaliers de bon niveau, tant dans le public que dans le privé. La difficulté, c’est que numériquement elle est faible, en particulier à Mayotte », commente-t-il. « Mais en terme de rattrapage budgétaire j’ai pu obtenir des enveloppes dont la dernière représente, pour l’investissement, plus de 60 millions d’euros pour la Réunion et environ 10 millions d’euros pour Mayotte. En fonctionnement, j’ai pu obtenir cette année 17 millions d’euros pour la Réunion et 5 millions pour Mayotte ». 

L’ARH de Lorraine, où Antoine Perrin va prendre ses nouvelles fonctions, est la neuvième de France. Elle chapeaute 120 établissements de santé (contre 20 à la Réunion), est elle aussi marquée par une « rivalité Nord-Sud » (entre Metz et Nancy). Entre autres grosses problématiques, M. Perrin sera confronté à la restructuration du bassin houiller, des problèmes de démographie des personnels et une population vieillissante, indique-t-il.  

 

Gros Plan

CHIK ET COM
 

Communiquer en tant de crise relève-t-il de la «mission impossible» ? En tout cas, «il va y avoir une réflexion à mener sur ce thème, estime M. Perrin. «Je pense qu’on peut mieux faire. Il y a eu des difficultés au départ, venant de la méconnaissance de la maladie et de son évolution. Pour ma part je n’ai pas voulu communiquer dans l’à‑peu­près. Si parfois j’ai un peu tardé pour le faire c’était pour avoir des certitudes de vérité. Du coup, il s’est installé un fossé avec certains médias ; on a assisté, de leur part, à une information précipitée voire déformée».

«Les autorités sanitaires ont probablement péché par trop de prudence dans l’information. Peut-être aurait-il fallu accepter de donner l’information du moment, sans attendre la vérification. En tout cas dans la crise il faudrait qu’il y ait un rapprochement entre les autorités sanitaires et la presse. On ne peut pas continuer à communiquer dans la violence et l’agressivité. Déstabiliser et dévaloriser les autorités sanitaires ne contribue pas à la vérité et à construction d’une politique de crise»
 
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