Article reproduit par Nanou avec l'aimable autorisation du journal Le Quotidien | ||
Le Quotidien de la Réunion du Mercredi 23 août 2006 |
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SELON DEUX BIOLOGISTES, IL
LIMITE LES EFFETS DU CHIK |
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Où l’on reparle du vaccin anti-rubéoleux |
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En début d’année, le Quotidien s’était fait l’écho des observations d’un spécialiste de médecine tropicale, le docteur Francis Parc, au moment (le début des années 80) où sévissait une importante épidémie de Ross River dans le Pacifique Sud. Chargé de la surveillance et de la lutte biologique contre les arboviroses à l’Institut Pasteur de Polynésie, le docteur Parc avait constaté que cette épidémie ne s’était jamais implantée à Tahiti alors qu’elle était annoncée comme inéluctable. A la place, on avait observé une « réminiscence importante de l’endémie rubéoleuse » chez les femmes enceintes, dont on surveillait la sérologie. Début 2006, le docteur Parc, qui vivait à la Réunion, s’est souvenu de ces observations et en a fait part au docteur Didier Vitrac, biologiste, praticien hospitalier au Groupe hospitalier Sud Réunion. Fin janvier, les deux hommes, convaincus qu’il existe des interactions entre chikungunya et rubéole (comme il en existe entre quatre type viraux responsables de la dengue), ont soumis au ministre de la Santé un projet de recherche sur le sujet. Les trois virus – de la Ross River, de la rubéole et du chikungunya – « ont de nombreuses analogies » ; il font partie tous les trois de la famille des Togaviridae et provoquent chez l’homme « des maladies proches l’une de l’autre », caractérisées notamment par des arthropathie pouvant durer plusieurs années, soulignaient les deux spécialistes. De plus, la Ross River Fever et le chikungunya sont des arboviroses transmises par le même vecteur, l’Aèdes albopictus. Sur la foi d’autres observations, les docteurs Parc et Vitrac proposaient « une vaccination anti-rubéoleuse, pratiquée à toute la population, de manière indiscriminée », à la Réunion. Selon le Docteur Vitrac, le ministère n’a, à ce jour, donné aucune suite à cette idée. En revanche son confrère, le docteur Gilbert Vitrac, a voulu vérifier par lui‑même.
Fabrication d’anticorps anti-rubéoleux Médecin biologiste à la retraite (il fut jadis directeur du centre de transfusion sanguine à la Réunion), lui-même « chikungunyé » en janvier 2006, il a fait pratiquer pour lui et d’autres personnes de son entourage ayant elles aussi contracté la maladie, une recherche d’anticorps (IgG) de la rubéole. Dans tous les cas leur taux s’est avéré « de deux à six fois supérieur au seuil de positivité », signale-t-il. Chez d’autres personnes malades, le docteur Gérard a fait également pratiquer une double sérologie (chik et rubéole). Pour constater la présence simultanée d’anticorps (IgM) du chikungunya et d’anticorps (IgG) de la rubéole « à un taux élevé » (*). Le spécialiste voit là la confirmation de l’hypothèse d’une « immunité croisée ». Autrement dit, « une infection par le virus du chikungunya induit la fabrication d’anticorps anti-rubéoleux », résume Didier Vitrac. Cette hypothèse expliquerait la différence de symptomatologie entre les malades. Certaines personnes, en effet, développent un chikungunya sévère et durablement invalidant, alors que d’autres font un chikungunya atténué ou sévère mais non invalidant, qui disparaît en une semaine. Pour le Docteur Gérard, les premières seraient celles n’ayant jamais été en contact avec le virus de la rubéole ; les autres seraient celles qui ont été anciennement contaminées par ce virus ou qui ont été vaccinées. En interrogeant des médecins scolaires et des personnels de cantines, le biologiste a constaté qu’on n’avait pas relevé, chez les enfants, d’absentéisme particulièrement marqué, lié au chikungunya. Or ce public, dans sa très grande majorité, est vacciné contre la rubéole : la vaccination est en effet recommandée dès le plus jeune âge (jointe à celle contre la rougeole et les oreillons) depuis 1995. « Il semble donc qu’une vaccination anti-rubéoleuse récente soit particulièrement efficace pour induire un état de défense vis à vis du vis du chikungunya », conclut le docteur Gérard. Ce dernier a conscience que son étude n’a « pas de valeur statistique » ; il renouvelle donc le souhait que soit lancé un projet de recherche sur la question, et il vient de transmettre un dossier dans ce sens à François Baroin. Mais d’ores et déjà, lui et son confrère, considèrent que « pour relancer le tourisme sur la Réunion, il faut recommander la vaccination contre la rubéole aux candidats au voyage » ; ils formulent aussi la proposition d’une campagne de vaccination à la Réunion.
A en juger par les chiffres des ventes de
vaccins (Ror : 21,83 euros, ou Rudivax : 7,60 euros), qu’ils ont
recueillis, nombre de médecins ont déjà mis ce conseil – encore non validé
scientifiquement – en application. Hervé SCHULZ
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